lundi 8 août 2016

Suicide Squad : Un « Cinematographic Suicide »

Dernier long-métrage en date d'une écurie DC semblant vouloir imiter la logique feuilletonesque des studios Marvel, Suicide Squad fait plus ou moins suite au catastrophique Batman v Superman que nous avons eu le malheur de voir en mars dernier. Très sincèrement, je n'osais pas croire que ce film réalisé par David Ayer (Fury) pouvait surpasser le niveau de médiocrité atteint par Zack Snyder il y a quelques mois. La bande annonce promettait en effet un divertissement punk et subversif, de quoi réanimer un nouvel univers fictionnel jusque là assez bancal et laissant présager le pire pour les Wonder Woman ou autres Aquaman à venir... Mais quel ne fut pas mon effrois en voyant le résultat !


Date de sortie : 3 août 2016
Réalisation, scénario : David Ayer
Nationalité : Américain
C'est tellement jouissif d'être un salopard ! Face à une menace aussi énigmatique qu'invincible, l'agent secret Amanda Waller réunit une armada de crapules de la pire espèce. Armés jusqu'aux dents par le gouvernement, ces Super-Méchants s'embarquent alors pour une mission-suicide. Jusqu'au moment où ils comprennent qu'ils ont été sacrifiés. Vont-ils accepter leur sort ou se rebeller ?
Jared Leto

Avant d'aborder les innombrables fautes de goût de cette horreur visuelle à mille lieues d'être aussi cool qu'elle le prétend, commençons avec ce contre quoi les fans de comics et autres geeks s'insurgent (à juste titre) depuis quelques jours : Ce fameux Joker tant mis en avant dans les images de promotion qui, cela n'a échappé à personne, s'avère finalement être un extraordinaire pétard mouillé. Jared Leto livre effectivement une performance totalement anecdotique tandis que sa présence à l'écran n’excède pas dix minutes. De quoi crier au foutage de gueule quand on se souvient du barnum médiatique autour des rumeurs ridicules selon lesquelles l'acteur serait devenu fou pendant le tournage, qu'il aurait harcelé psychologiquement ses collègues, pissé dans des bocaux ou que sais-je... Bref, ce pauvre Heath Ledger doit se retourner dans sa tombe.

Pour ce qui est des autres personnages ensuite, ils ne suscitent ni intérêt, ni empathie, bien qu'en termes d'interprétation, Viola Davis (How to Get Away with Murder) et la toujours sexy Margot Robbie (Le Loup de Wall Street) parviennent tout de même à tirer leur épingle du jeu. La première faisant preuve d'un sérieux bienvenu au milieu de tous ces cabotins, la seconde endossant avec humour le rôle culte d'Harley Quinn. Will Smith quant à lui, fait ce qu'il peut pour sauver sa carrière en voie d'extinction.

Jay Hernandez, Jai Courtney, Adewale Akinnuoye-Agbaje,
Margot Robbie, Will Smith, Joel Kinnaman et Karen Fukuhara

Venons-en maintenant à l'écriture qui, soyons honnêtes, frôle tout de même le néant. Contrairement au semblant de scénario de Batman v Superman qui tentait tant bien que mal de dépeindre notre monde contemporain, ici, il n'y a ni contexte social, ni politique. En réalité, l'unique enjeu (et unique péripétie !) du film tient sur un post-it : Une poignée de soi-disant Super-vilains sont libérés de l’asile psychiatrique, puis instrumentalisés par la CIA afin d'exécuter une enchanteresse vaudou qui, sous les traits d'une Cara Delevingne lookée comme Madonna lorsqu'elle chantait Frozen, menace d'envahir Gottam avec des CGI moches. Passé quelques dialogues ennuyeux et une présentation extrêmement brouillonne des membres de l'escouade sous forme de vulgaires clips musicaux, tout cela débouche sur une baston finale digne des plus grands nanars, comportant son lot de ralentis balourds, d'éclairs et de nuages numériques kitschissimes au possible.

Outre ces risibles trucages numériques, on peut dire de la forme globale du long-métrage qu'elle est en parfaite adéquation avec le fond. C'est clinquant dans le mauvais sens du terme. Des plans très laids, des scènes d'action d'une banalité sans nom et des effets de montages grossiers, pour ne pas dire complètement éculés, s'entremêlent dans un découpage illisible, ne laissant aucun moment de répit pour le spectateur, qui subit littéralement le rythme éreintant que lui imposent les monteurs. De plus, l'originalité et la transgression espérée n'est pas du tout présente, les tentatives de blagues passent inaperçu tant elles sont mauvaises. À titre de comparaison, Deadpool, qui reposait également sur un marketing du cool et du pop, était autrement plus subversif et inventif.

Cara Delevigne

Enfin, il est important de revenir sur toutes ces citations musicales abusives et ô combien clichées qu'aucun bachelier de l'option cinéma-audiovisuel n'aurait osé inclure dans son court-métrage : Sympathy for the Devil des Rolling Stones, Black Skinhead de Kanye West, Seven Nation Army des White Stripes, Without Me d'Eminem, Bohemian Rhapsody de Queen et j'en passe... De bonnes musiques en soi, mais qui n'ont absolument rien à faire là, si ce n'est pour concurrencer désespérément Les Gardiens de la galaxie qui, à l'inverse, comportait une sélection musicale bien moins racoleuse et beaucoup plus subtile (notamment parce qu'elle appartenait diégétiquement au héros et qu'elle était représentative d'une certaine époque). Ceci dit, on préfère de loin écouter les Stones plutôt que la soupe abrutissante de Steven Price qui fait office de bande originale (c'est à croire que le compositeur de Gravity a perdu toute inspiration après avoir remporté son Oscar).

Pour conclure, nous pouvons remercier David Ayer pour cette fabuleuse leçon de non-mise en scène. Voilà un parfait exemple à suivre si l'on veut rater un long-métrage et se fondre parmi les nombreuses daubasses à gros budget de 2016 (TarzanAlice de l'autre côté du miroir et bien d'autres...). Par ailleurs, si personnellement, j'en viens à admettre que le blockbuster le plus potable de l'année n'est autre qu'un film Marvel (Deadpool donc), c'est qu'Hollywood ne va pas bien du tout en ce moment ! L'absence de vrais cinéastes grand public comme Georges Miller, Christopher Nolan ou encore Peter Jackson se fait sérieusement ressentir... On croise tout de même les doigts pour Justin Lin, en espérant que son Star Trek : Sans limites rehaussera le niveau à la fin du mois.


Note: ★★

2 commentaires:

  1. Prends ça la Squad ! Globalement d'accord avec cet uppercut franchement pas volé par la clique Smith. Je serais moins sévère en revanche sur le gangsta-Joker qui, s'il a du mal à prendre chez les ayatollahs du culte DC Comics, fonctionne assez bien sur mon second degré, une version un peu plus cortiquée de l'Alien campé par James Franco dans "Spring Breakers".
    Pour le reste, on brasse du vide numérique à gogo en effet. Et si jamais j'apprends qu'Ayer a réussi à monter son projet de remake de "la Horde Sauvage", je crois que je le flingue.

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    1. C'est vrai qu'au second degré, ce Joker peut être amusant si on le compare à James Franco dans l'autrement meilleur Spring Breakers, je n'y avais pas pensé :') Merci de ta visite!

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