jeudi 16 mars 2017

[Coup de cœur] Grave : Attraction/répulsion

Après une tournée triomphante dans les festivals (prix de la critique internationale à Cannes, grand prix à Gérardmer et j'en passe), le très attendu Grave débarque enfin dans nos salles obscures, accompagné de ses fantasmes et de ses pulsions cannibales. Entouré d'une réputation sulfureuse, cet atypique premier long-métrage de Julia Ducournau provoqua une vague d’enthousiasme chez un certain nombre de critiques, découvrant en cette cinéaste un espoir considérable pour l'état assez calamiteux du cinéma de genre français. Ça tombe bien, nous aussi !


Date de sortie : 15 mars 2017
Réalisation, scénario : Julia Ducournau
Genre : Horreur, thriller, comédie
Nationalité : Français, belge
Dans la famille de Justine tout le monde est vétérinaire et végétarien. À 16 ans, elle est une adolescente surdouée sur le point d’intégrer l’école véto où sa sœur aînée est également élève. Mais, à peine installés, le bizutage commence pour les premières années. On force Justine à manger de la viande crue. C’est la première fois de sa vie. Les conséquences ne se font pas attendre. Justine découvre sa vraie nature.
Garance Marillier et Ella Rumpf

Présenté avant tout comme un film d'horreur, Grave surprend d'emblée par son impressionnante aisance à mélanger les genres cinématographiques, nous baladant ainsi entre épouvante, teen-movie, comédie noire et thriller érotique. Ici, tout est une question d’équilibre entre attraction et répulsion, angle tout à fait pertinent, sous lequel seront habilement abordés la naissance de la sexualité et la puissance du désir, à travers la mutation d'une adolescente végétarienne en adulte anthropophage. Âmes sensibles, soyez préparés, car Julia Ducournau ne fait pas dans la demi-mesure !

Ayant studieusement révisé son Cronenberg, cette dernière met à mal le corps de son actrice, l’hypnotisante Garance Marillier, dans une série de métamorphoses physiques et morales remuantes, convoquant de ce fait notre propre corps de spectateur lors de scènes particulièrement dérangeantes... Mais toujours portées par l'immense ingéniosité de la mise en scène, toute en nuances de rouge, qui regorge de plans originaux dans leur conception graphique.

Garance Marillier

Des séquences plus ou moins gores donc, mais qui se retrouvent aussitôt désamorcées par la douce sensibilité du scénario, ainsi que par l'humour revigorant des deux personnages secondaires, sous les traits des bien prometteuses étoiles montantes du cinéma français que sont Ella Rumpf (Tiger Girl) et Rabah Naït Ouffella (Nocturama). Il en va de même pour certains rôles périphériques creepy as fuck (notamment une apparition très malaisante de Bouli Lanners), qui provoquent de mémorables rires jaunes.

Bref, tant de qualités qui font de Grave une œuvre prodigieusement aboutie et, comme l'affirment déjà certains, quasi messianique dans notre cinéma d'horreur national. Avec cette prometteuse entrée en matière, Julia Ducournau s'impose non seulement comme une esthète et une directrice d'acteurs hors pair, mais également comme une auteure extrêmement audacieuse dans sa manière de démultiplier les tons et les thèmes autour du passage à l'âge adulte, de la monstruosité ou encore de la violence de la passion. Une révélation.


Note: 

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